Merci à Jean-Pierre pour ce texte, dans le cycle de notre Ronde
De la cuisine en général et des cuisines en particulier.
Cuisine, un mot au sens précis dès lors qu’il s’agit du lieu où se prépare la cuisine dans une méthodologie propice à toute combine qui permet d’aboutir au but choisi. Autrement dit le mot autorise tout vagabondage, il va comme vont les oiseaux, là où le vent les porte.
La cuisine nécessite un foyer, d’où ces monumentales constructions, extérieures d’abord, qui font saillie sur les murs et les toits et signalent par la fumée qu’elles dégagent l’existence même de ce foyer. A l’intérieur l’âtre devenu captif de la maçonnerie annonce le niveau social du propriétaire et permet à la maisonnée de se tenir chaudement autour des plats en préparation, sous le manteau, encadré par des piédroits parfois très décorés.
décor de piédroit de cheminée, XIIe siècle, Vanault-le-Châtel, Marne.
Tout cela pour cuisiner, c’est-à-dire apporter du plaisir dans le besoin, des épices au neutre du bouilli, du craquant parfumé au gril côtelé. On sent déjà, on hume ici, les senteurs épicées, les alliances de goût, bref toutes les combines qui vont élaborer la cuisine de parti et qui, précisément, vont prendre souvent naissance autour de la table. Si l’argent n’a pas d’odeur en dessous de (la) table, la cuisine hélas en a, et laisse échapper un fumet plus ou moins corsé qui va attirer les mouches et par une sorte de génération spontanée, inviter les canards déchaînés à cancaner vers les extrémités de la terre les manières d’accommodements, les recettes de liaison de sauces. Quels mets, quelle cuisine !
Le consommateur commande au menu ou à la carte selon le marché du jour, fort garni ces derniers temps. Le salé et le sucré y trouvent mélanges de convenance, sont l’écho des amateurs de l’un qui vilipendent l’autre. Que du plaisir dans l’acidité ou le moelleux, du moins pour le chaland.
Table quatre, la Victor, servez et n’oubliez pas : « bon appétit, messieurs ! » – Oui chef !
carte postale humoristique, 1903.
La fin de votre texte plaisant m’a fait penser à la formule célèbre (et d’actualité) de Beaumarchais : « Bon appétit, messieurs, et ministres intègres ! » (je n’ai pas vérifié…).
Merci de votre remarque. Je n’ai pas vérifié mais j’ai pensé à Ruy Blas, c’est pourquoi j’ai nommé la table de restaurant : la ‘Victor’. Je vais vérifier.
De la choucroute après le dessert, voici bien un signe que le monde marche depuis longtemps sur la tête !